Sage femme depuis plus de 40 ans, Danielle Lelaidier accompagne des femmes en parcours de Procréation Médicalement Assistée (PMA) avec l’hypnothérapie depuis 15 ans. Référente au centre PMA de la clinique St-Roch de Montpellier, elle partage aujourd’hui ses programmes d’hypnose aux personnes en désir d’enfant sur Bab’in love. Elle nous explique le rôle de cette pratique dans un parcours PMA.
Bonjour Danielle. Peu de sages-femmes sont spécialisées comme vous en Procréation Médicalement Assistée (PMA). Pourquoi vous êtes-vous orientée vers cette expertise ?
Sage-femme par vocation depuis 1977, j’ai travaillé durant 17 ans à l’hôpital Boucicaut à Paris, puis à l’hôpital Antoine-Béclère à Clamart avec le Professeur René Frydman, gynécologue obstétricien spécialiste de la reproduction. C’est lui qui a mis au monde le premier bébé né d’une fécondation in vitro (FIV). Dès le début, à ses côtés, je me suis intéressée aux problèmes d’infertilité. A la suite de la mutation de mon mari, je me suis installée en famille à Montpellier. C’est là-bas que j’ai décidé d’ouvrir un cabinet libéral, tout en poursuivant ma spécialisation dans l’accompagnement des patients en PMA. J’ai en parallèle accompagné des patients du centre PMA de la clinique St-Roch.
Vous faites partie des pionnières convaincues par les bénéfices de l’hypnothérapie thérapeutique. Comment avez-vous forgé vos convictions ?
J’ai moi-même connu des problèmes d’infertilité, qui me sont tombés dessus sans que je m’y attende. Déjà maman de deux enfants, j’étais enceinte d’un troisième bébé. Malheureusement, il était trisomique et je ne l’ai pas gardé. Suite à cela, je n’arrivais plus à avoir d’enfants. J’avais 33 ans et je ne comprenais pas.
On m’a conseillé de consulter une autre gynécologue. À la première consultation, sans que je ne m’en rende vraiment compte, elle a mené une séance d’hypnose conversationnelle avec moi. Quinze jours plus tard, j’étais enceinte.
J’ai alors commencé à profondément m’intéresser à l’hypnose et à me former, notamment à l’institut Milton Erickson de Biarritz. Je me demandais comment il était possible que l’on ait pas pratiqué cela avant ! Progressivement, j’ai utilisé l’hypnose et l’autohypnose avec mes patientes. Je suis devenue reconnue pour l’hypnothérapie.
Pour accompagner au mieux les couples en parcours PMA, j’ai construit des programmes d’hypnose et d’autohypnose dédiés. J’ai également eu la chance de travailler avec des sages-femmes étudiantes que j’ai formées et qui m’ont encouragée grâce aux études d’impact qu’elles ont menées sur mes programmes.
Pour mieux comprendre, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l’hypnothérapie ?
L’hypnose est comme le médicament de l’esprit. Le thérapeute se met en position basse et c’est le patient qui est au centre. Il existe plusieurs types de pratique, notamment :
- L’hypnose conversationnelle, qui est une forme de discussion avec le patient. Le thérapeute se met à son niveau tout en le valorisant énormément et en allant dans son sens.
- L’hypnose Ericksonienne, qui a pour but de montrer au patient qu’il a en lui les ressources nécessaires pour trouver la solution. C’est au patient lui-même d’identifier sa solution. Généralement, c’est une thérapie courte, en quelques séances.
Pourquoi l’hypnothérapie peut-elle être utile pour des personnes en parcours PMA ?
L’hypnothérapie permet de toucher et d’impliquer la partie émotionnelle et humaine des patients en parcours PMA. Au-delà des piqûres, des échographies, des traitements, du parcours purement médical, chaque être humain a le droit de mettre sa part d’humanité dans ce parcours ainsi que d’y mettre un peu de son instinct.
Comment avez-vous construit votre programme d’hypnose dédiés à la PMA ?
Le programme se compose de plusieurs séances qui ont chacune leur objectif. Par exemple, une séance porte sur la confiance en soi et la confiance en son entourage. Une autre séance a pour but de surmonter un potentiel blocage, un empêchement inconscient dans le parcours. J’ai également conçu une séance pour aider à traverser l’ascenseur émotionnel qu’est la PMA et à mieux vivre l’échec.
Pour répondre aux besoins spécifiques d’un transfert d’embryons ou d’une insémination artificielle, j’ai construit 3 séances, à mener la veille, pendant et après l’intervention médicale.
Une de vos séances d’hypnose porte sur la parentalité et permet au patient de se projeter avec un futur bébé. Pourquoi une telle séance vous semble-t-elle importante ?
Il faut être réaliste et arrêter l’hypocrisie : quand on veut concevoir un enfant, on va forcément y penser. D’autant plus quand on est en parcours PMA et que l’on vit des épreuves au quotidien. Demander de ne pas y penser pose une barrière supplémentaire.
Lors de cette séance, je leur fais toucher des bébés par hypnose. Il me semble essentiel que les patientes se projettent dans la maternité et qu’elles ressentent leur instinct maternel. Je suis convaincue que ressentir ces émotions maternelles et paternelles positives permet de favoriser la grossesse. En effet, les émotions positives sont celles qui vont permettre de sécréter les bonnes hormones. Il a d’ailleurs été confirmé par des études avec des techniques d’imagerie modernes que certaines régions du cerveau sont modifiées sont l’effet de l’hypnose.
Vous avez mené des études pour mesurer l’impact de vos programmes sur la procréation. Quels en sont les résultats ?
Cette étude menée par des étudiantes sages-femmes s’est concentrée sur le programme de transfert d’embryons : trois séances d’hypnose à mener avant, pendant et quelques jours après le transfert.
Pour cette étude, 167 patientes ont suivi ce programme. Les résultats sont très bons : 45% des patientes sont tombées enceintes et ont donné naissance à un enfant et 98% des patientes se sont dites satisfaites du programme.
En tant que soignante et accompagnante, quelle est votre plus grande fierté ?
Je suis tout d’abord fière d’avoir formé de nombreuses étudiantes sages-femmes à s’intéresser à l’hypnose et d’être leur directrice de mémoire.
Avoir créé des programmes d’hypnose adaptés aux patientes et avoir démontré leurs bénéfices par des études est également un accomplissement.
Enfin, ma plus grande fierté est sûrement la présentation des résultats de ces études, sur mes programmes, lors d’un congrès médical de renom. Recevoir les félicitations de professionnels de santé reconnus m’a particulièrement touchée.
Votre souhait aujourd’hui est de diffuser au plus grand nombre vos programmes. Comment menez-vous cette mission ?
Depuis plusieurs années, j’ai expérimenté les séances à distance. Cela fonctionne très bien. J’ai donc décidé de proposer mes séances d’hypnose sur mon site Bab’in love, pour qu’ils soient accessibles à tous et à toutes. Ainsi, sur les différentes thématiques de périnatalité et de parentalité, les patients peuvent être accompagnés, en toute autonomie.
Quel message souhaiteriez-vous faire passer aux patients actuellement en PMA ?
Tout d’abord, faites confiance aux équipes médicales en PMA. Elles sont sérieuses et expérimentées. De votre côté, prenez soin de vos émotions.
Souvent, chercher des recettes médicales miracles est une perte de temps. Je conseille de laisser les professionnels s’occuper des aspects techniques. Il me semble important que vous preniez plutôt le temps de vous occuper de vous, de votre corps, de votre mental et surtout d’être heureuses. Il faut évidemment comprendre ce qu’il vous arrive mais sans vouloir aller trop loin. Il ne faut pas tout intellectualiser à tout prix, mais laisser la place aux émotions.