Fatima Bouayad s’est donnée une mission : redonner le pouvoir aux femmes sur leurs corps et sur leur fertilité. Après une expérience compliquée de la PMA, elle lance WoMA, pour aider les femmes à comprendre leur fertilité, sereinement et simplement. Première étape : informer sur la congélation d’ovocytes.
Bonjour Fatima. Quelle est l’origine de WoMA ?
WoMA trouve ses racines dans mon expérience personnelle de la PMA, qui a été très douloureuse, aussi bien psychologiquement que physiquement. Moi qui aime pouvoir décider et planifier, j’ai très mal vécu de ne pas pouvoir contrôler, de ne pas comprendre ce qui se passait. Je me suis sentie bête, bête sur mon corps, bête sur le processus. Physiquement, j’étais faible et je n’avais pas la force de creuser ce qu’on me disait. Ainsi, lorsque l’équipe médicale m’a annoncé que j’allais faire une hystéroscopie, je n’ai même pas demandé pourquoi, et j’ai eu très mal.
Quel a été le déclic pour te lancer et créer des solutions au service de la santé des femmes ?
Je viens d’une famille conservatrice et l’entrepreneuriat n’était pas ce que j’envisageais. J’ai passé dix ans à travailler dans de grands groupes, notamment chez PMU. C’est cette dernière expérience qui m’a donné la confiance nécessaire pour me lancer. Lors d’une pause de 3 mois en Thaïlande, j’ai réfléchi à mon projet entrepreneurial. La thématique de la santé des femmes est devenue évidente parce que je suis féministe et entourée de femmes qui ont des problèmes de santé : ma soeur souffre du SOPK (Syndrome des Ovaires Polykistiques) et d’hyperthyroïdie, ma cousine est atteinte d’endométriose.
À mon retour en France, je décide de lancer WoMA, sur la fertilité. Et je tombe enceinte naturellement. Cette grossesse était tellement attendue que je choisis alors de mettre de côté mon projet. Finalement, je déménage à Barcelone début 2024, avec ma fille de 3 mois, et décide de redémarrer WoMA.
Pourquoi as-tu décidé de te pencher sur les problèmes de fertilité ?
J’ai parlé à beaucoup de personnes avant de me décider, aussi bien patientes que médecins, académiciens,… J’ai ainsi forgé mes convictions : le besoin le plus urgent auquel répondre est le taux de réussite des parcours de fertilité. Les taux de succès des parcours PMA sont entre 20% et 40%. Ce besoin nécessite un travail de recherche. J’identifie également une autre problématique, sur laquelle je peux avoir un impact immédiat : la conservation ovocytaire. Ce parcours est difficile, avec un manque réel d’informations. Pour tester cette piste, je lance en mars 2024 une campagne gratuite de bilan de fertilité et j’ai la surprise de recevoir 1000 demandes en seulement un week-end !
Un besoin réel existe donc pour les bilans de fertilité. Concrètement, que propose WoMA ?
L’ambition de WoMA est de créer le parcours le plus simple et le plus rapide possible pour les patientes. Ainsi, WoMA accompagne les femmes avec un bilan de fertilité par dosage hormonal et leur donne accès à la meilleure expertise. Les étapes du parcours WoMA sont :
- Un questionnaire clinique et une prise de rendez-vous avec une sage-femme. En deux minutes, vous pouvez prendre un rendez-vous pour le lendemain ou un autre jour, soir ou week-end, par téléphone ou visioconférence.
- Le rendez-vous avec la sage-femme dure 15 à 30 minutes. La sage-femme va creuser le questionnaire clinique et la patiente peut poser toutes ses questions, dans un espace de confiance.
- La patiente reçoit une ordonnance de dosage hormonal personnalisé (AMH, FSH, LH, thyroïde, oestrogène, potentiellement parfois prolactine et hormones androgènes) et sa feuille de soin.
- Suite au dosage hormonal, la patiente peut obtenir sur WoMA son rapport personnalisé sous 24h. Elle y trouve une synthèse de sa situation, des explications en détail de ses hormones, des recommandations formulées par une équipe pluridisciplinaire, avec notamment des gynécologues spécialisées dans la fertilité et des endocrinologues.
- Un chat est ouvert avec un médecin et un appel est toujours proposé si le bilan est “anormal”.
Le bilan WoMA coûte 60€ et peut être remboursé à hauteur de 25€. Il est à noter que les femmes peuvent demander un bilan de fertilité WoMA si et seulement si elles ne sont pas sous contraception hormonale.
À qui s’adresse le bilan de fertilité WoMA ?
Le bilan de fertilité WoMA est pour les femmes :
- qui ont plus de 30 ans ;
- qui ne sont pas sereines avec leur cycle ;
- qui envisagent d’avoir un enfant après 35 ans ;
- qui suspectent un SOPK ou un déséquilibre hormonal ;
- pour qui le sujet de la fertilité commence à être une source de stress.
Quels ont été tes premiers enseignements sur le rapport des femmes à fertilité depuis le lancement de WoMA ?
Nous avons mené plusieurs enquêtes. La première était auprès de 60 femmes et les résultats sont très intéressants : 50% des femmes qui veulent réaliser un bilan de fertilité veulent le faire car elles essaient activement de tomber enceinte, 35% le font parce qu’elles veulent tomber enceinte plus tard. En majorité, ce sont donc femmes qui veulent un bébé tout de suite qui s’intéressent au bilan de fertilité.
J’ai également été marquée par une statistique d’une autre enquête que nous avons réalisée : parmi les 790 femmes interrogées, 30% d’entre elles ont déclaré avoir des cycles irréguliers ou absents en ne suspectant aucune pathologie. Pour moi, cela est choquant, c’est la preuve d’une méconnaissance profonde de notre santé reproductive et de nos cycles. C’est le résultat de discours qui banalisent et normalisent les cycles irréguliers.
À terme, comment envisages-tu d’aider les femmes à se sentir mieux ?
Je vois WoMA révolutionner le domaine de la fertilité, avec une approche plus proactive. Aujourd’hui, grâce au bilan WoMA, vous pouvez mieux comprendre votre fertilité. Demain, WoMa vous permettra également d’améliorer votre mode de vie pour préserver votre fertilité et d’accéder plus facilement et rapidement au protocole de congélation d’ovocytes. À plus long terme, WoMA ambitionne de s’attaquer à toutes les problématiques de la santé des femmes en répliquant cette même approche proactive, fondée sur un triptyque : savoir, mode de vie, et accès aux protocoles médicaux avancés.
Comment imagines-tu simplifier ce parcours de congélation d’ovocytes ?
Tout pourrait être décentralisé et simplifié, pour permettre aux femmes de se sentir mieux. Au lieu d’aller à l’hôpital, il serait possible de réaliser tous les examens chez soi, ou près de chez soi, ou auprès de ses professionnels de santé (sage-femme, gynécologue, médecin généraliste). Le protocole de stimulation hormonale serait également simplifié. Aujourd’hui, les patientes doivent faire une piqûre par jour pendant 10 à 15 jours. Or, il existe un médicament qui, en une seule piqûre, permet d’avoir un effet en 7 jours. Ce médicament est actuellement peu prescrit. Pourtant, les piqûres sont l’un des principaux freins de ce parcours de conservation ovocytaire.
Aujourd’hui, quel est le combat que tu souhaites mener ?
Le sujet prioritaire est l’information, la prise de conscience. Par exemple, j’ai récemment échangé avec une femme de 37 ans qui pensait avoir le temps avant de congeler ses ovocytes. Elle reçoit son bilan WoMA, qui est normal. Mais lors de notre appel, elle apprend qu’en France, la congélation d’ovocytes n’est ouverte que jusqu’à 37 ans. Personne ne l’en avait informée.
Comprendre son corps et connaître toutes les options disponibles permet à chaque femme de prendre des décisions plus éclairées sur sa fertilité et sa vie. C’est aujourd’hui mon principal combat.