Long, contraignant et imprévisible, le parcours PMA peut avoir des répercussions importantes sur votre vie professionnelle. En raison des nombreux rendez-vous médicaux et déplacements, jongler entre votre chemin médical et votre travail n’est pas un long fleuve tranquille. Heureusement, en France, le droit du travail vous protège. Quels sont vos droits ? Quels seraient les avantages de parler de votre parcours à votre employeur ? Comment aborder le sujet ? Voici nos clés pour répondre à ces questions.
Vous êtes en parcours PMA, quels sont vos droits ?
Soyez rassurée : la France a instauré un cadre légal qui protègent les personnes en Procréation Médicalement Assistée (PMA), en particulier depuis 2016. La loi du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé a en effet ouvert la voie à une nouvelle législation autour de la PMA. Plus précisément, ce sont les articles L2141-1 et les suivants, du Code de Santé Publique, qui décrivent le parcours de la PMA dans les grandes lignes, ainsi que les droits qui en découlent. Concrètement, ces articles vous donnent le droit à une protection contre les discriminations et déclenchent un régime d’autorisations d’absences rémunérées. Ces absences sont réservées aux actes médicaux.
Que devez-vous dire à votre employeur ?
D’après la loi 2016-41, les salariés bénéficiant d’une Assistance Médicale à la Procréation (AMP) sont protégées de la même manière que les femmes enceintes contre les discriminations. Ceci signifie que vous êtes autorisée à ne pas parler de votre PMA à votre entreprise, que cela soit à l’embauche ou en cours de contrat de travail. S’il y a un litige, c’est à votre employeur de se défendre et d’appuyer sa position de ne pas vous avoir embauchée ou de vous avoir licenciée en présentant des pièces justificatives. En cas de doute, la décision sera généralement prise en faveur de l’employée.
Votre droit d’absence en PMA
La loi française est souple et se positionne en faveur des personnes en parcours d’AMP. En tant que salariée recourant à la PMA, vous bénéficiez d’une autorisation d’absence pour les actes médicaux nécessaires. Cela concerne par exemples les échographies, prises de sang, interventions chirurgicales, et également les simples rendez-vous avec votre gynécologue. Il est à noter que le nombre d’absence est illimité et n’entraîne aucune diminution de la rémunération. La durée de l’absence comprend la durée de l’acte médical lui-même, ainsi que le temps de déplacement aller et retour.
Pour déclencher ce droit d’absence, il faut différencier le secteur public et le secteur privé. Dans le privé, il vous suffit de rédiger une lettre à votre employeur, votre supérieur hiérarchique ou à la Direction des Ressources Humaines. Ce document doit expliquer votre PMA et présenter votre demande d’autorisation d’absence. Vous pouvez l’envoyer en recommandé avec accusé de réception, ou la remettre en main propre. Légalement, vous devez « demander l’autorisation », mais sachez qu’elle ne peut pas vous être refusée.
Dans le secteur public, une circulaire de mars 2017 précise que l’autorisation d’absence est obligatoire, et se fait dans les mêmes conditions que pour le privé, mais sous réserve des nécessités du service dans lequel vous travaillez.
Quels sont les droits de votre conjoint ?
Bonne nouvelle pour être accompagnée lors de vos échographies, ponctions et transferts et autres rendez-vous : votre conjoint (marié, lié par un PACS, vivant maritalement) a également le droit à une autorisation d’absence rémunérée. Elle se limite à 3 absences par protocole. Par exemple, votre conjoint peut s’absenter trois fois lors d’une première tentative de Fécondation In Vitro (FIV) et être ainsi à vos côtés. Si malheureusement ce protocole échoue et que vous souhaitez entamer une seconde FIV, trois absences seront à nouveau autorisées. Cette règle s’applique au secteur privé. Dans le secteur public, la règle des 3 absences est également appliquée sous réserve des nécessités du service dans lequel votre conjoint travaille.
Les droits et les devoirs de l’employeur pendant une PMA
La loi du 26 janvier 2016 protège les salariées contre les discriminations. Ainsi, l’employeur a l’interdiction de prendre en compte cette situation pour :
- Refuser d’embaucher
- Rompre un contrat de travail en cours de période d’essai
- Décider d’une mutation d’emploi
Votre employeur a également certains droits. Il peut notamment vous demander un justificatif médical au moment de la demande d’autorisation d’absence.
Où me référer pour faire valoir mes droits en PMA ?
Vos droits ont été inscrits en 2016 dans le Code de Santé Publique, ainsi que dans le Code du Travail. Pour celles qui souhaitent aller plus loin, voici les codes des articles : L2141-1 et L1225-16. Cela peut vous être utile si vous ressentez le besoin d’approfondir ou de partager ces textes à votre employeur.
Sachez par ailleurs que des avocats peuvent également vous conseiller et vous aider en cas de litige. Des associations de patients comme le collectif BAMP sont également à votre écoute pour vous accompagner.
Pourquoi parler de la PMA à son employeur ?
L’Assistance Médicale à la Procréation est une démarche profondément personnelle. A-t-on envie d’aborder ses épreuves intimes hors du cercle des proches ? Pas forcément. Par ailleurs, le tabou autour de l’infertilité pèse dans notre société et peut bloquer la prise de parole. C’est pourquoi la décision d’en parler ou non dans votre entreprise peut être si complexe. Pour vous aider dans votre réflexion, voici ce qu’en parler à votre employeur pourrait vous apporter.
Concilier vie pro et vie perso
Rendez-vous médicaux, temps de déplacements, imprévus de dernière minute, stress, fatigue… quand on est en PMA, le quotidien est totalement chamboulé. Suivre sa carrière paisiblement relève du défi.
Tout d’abord, nous souhaitons vous rassurer. Nous avons rencontré de nombreuses femmes qui ont réussi à s’épanouir dans leur travail tout en faisant recours à l’AMP. Cela est certes difficile, mais possible. Et toutes nous ont confié en avoir discuté ouvertement avec leur employeur pour le prévenir. C’est ensemble qu’un aménagement des horaires a pu être construit quand cela était nécessaire. Aborder ce sujet s’avère être une étape essentielle pour espérer pouvoir concilier votre vie personnelle et votre vie professionnelle.
LE TÉMOIGNAGE DE VIRGINIE, CHEF DE CUISINE
Virginie a 34 ans et habite près de Lyon. Travaillant dans la restauration, mener de front son parcours PMA et son emploi est un chemin semé d’embûches. “Pour ma première PMA, j’avais décider de quitter mon boulot car je voulais me consacrer pleinement à mon parcours. Finalement, au bout de quelques semaines, je me suis sentie isolée. Je ne voyais personne la journée, je ne parlais qu’à mon mari. Je commençais à déprimer, seule à la maison. Je me suis rendue compte que j’avais besoin de travailler pour me changer les idées,” raconte Virginie, 34 ans.
Virginie a alors décidé de se remettre sur le marché du travail : “Lors des entretiens de recrutement, j’en ai tout de suite parlé à mon potentiel futur chef. Je me suis dit que soit je n’en parlais pas mais je serai toujours tendue pour le cacher. Et ça serait très compliqué de ne rien dévoiler ! Soit je lui disais tout, au risque qu’il ne souhaite pas me recruter. Finalement, il m’a embauchée et on a convenu de l’organisation. Je suis contente de pouvoir mener vie ailleurs que dans mon centre PMA”
En PMA, le sentiment de culpabilité peut freiner l’envie de postuler ou de demander des promotions. Pourtant, votre parcours de conception ne définit pas qui vous êtes et ce que vous valez. Pierre, 45 ans, dirigeant d’un cabinet de conseil, nous a partagé son expérience d’employeur. “L’année dernière, j’ai rencontré des candidats pour un poste de manager. L’une d’entre eux était formidable. Elle m’a annoncé qu’elle allait commencer un parcours PMA, en m’expliquant ce que cela impliquait. Je l’ai trouvée très courageuse. Je l’ai recrutée car elle était la meilleure de ceux qui ont postulé. Au travail, son équipe était là pour la soulager. Par exemple, quand on a su qu’elle allait avoir son transfert, on a aménagé ses missions.”
Être transparent avec son employeur permet de diminuer sa charge mentale. “Elle m’a dit qu’elle se sentait moins stressée grâce à la compréhension de son équipe, continue Pierre. Elle est tombée enceinte six mois plus tard. On était tous heureux pour elle.”
Trouver du soutien pour mieux vivre la PMA au travail
Lorsque vous décidez de parler de votre parcours PMA dans le cadre professionnel, vous pouvez être agréablement surprise du soutien que vous allez trouver. Rappelons qu’un couple sur trois est aujourd’hui touché par l’infertilité. Il est donc probable que des collègues rencontrent également des difficultés à concevoir un enfant. Vous trouverez alors une aide précieuse, une solidarité incroyable et une écoute nécessaire dans ce lieu où vous passez beaucoup de temps.
C’est ce qui est arrivé à Pauline, 33 ans et maîtresse des écoles. “Jongler entre les rendez-vous au centre et les journées entières en classe devenait très difficile. J’ai décidé d’en parler au directeur de l’école pour aménager certains horaires. Il m’a alors dit que sa fille de 10 ans était née d’une FIV. Il comprenait parfaitement ce que je vivais. Il était très touché. Nous avons beaucoup parlé et il m’a donné de l’espoir.”
Pauline a ensuite décidé d’en parler avec d’autres collègues. “Je ne m’attendais pas à un tel soutien. Ils savent être présents quand j’en ai besoin, mais aussi ne pas poser de questions quand ils voient que ce n’est pas le moment. Quand j’arrive le matin avec des cernes jusque par terre, ils se doutent que j’ai eu une prise de sang bien matinale !” Cette démarche a permis à Pauline de plus facilement gérer son emploi du temps et de se sentir entourée.
Libérer la parole autour de soi
L’infertilité demeure un sujet difficile à aborder aujourd’hui dans notre société. Un tabou persiste autour de ce parcours du combattant. Néanmoins, depuis quelques années, la parole se libère progressivement. L’infertilité devient un thème mis en avant sur la place publique, grâce aux réseaux sociaux, aux médias ou à des ouvrages comme le magnifique La peau des pêches de Salomé Berlioux.
Ainsi, de nombreuses femmes en parcours de PMA nous ont confié leur volonté de briser ce tabou. “Je ne tiens pas à devenir une porte-parole sur le devant de la scène mais je pense avoir un rôle à jouer. Si je peux contribuer à libérer la parole et à sensibiliser d’autres couples à l’infertilité, mon combat personnel aura en quelque sorte servi une cause et aura aidé des gens”, nous explique Florence, 35 ans. Partager son expérience permet de préparer d’autres couples à ce qui les attend.
“Un jour, à la pause café, je me suis ouverte et j’en ai parlé à mes collègues, continue Florence. Elles sont dans la vingtaine et elles ne s’imaginaient pas qu’avoir un enfant pouvait parfois être si compliqué. Elles m’ont posé beaucoup de questions car l’une avait des règles douloureuses. Je lui ai conseillé d’en parler à sa gynéco. Je me suis sentie utile.” Une manière de sublimer son parcours.
Comment annoncer une PMA dans mon entreprise ?
Parler de son parcours de PMA est un geste intime, qui implique de se sentir dans un climat de confiance. Prenez le temps nécessaire pour réfléchir à cette démarche et prendre votre décision. Celle-ci pourra évoluer au fur et à mesure de votre parcours. C’est votre choix, et rappelez-vous que la loi protège votre silence. Si vous souhaitez en parler avec votre employeur, voici quelques conseils pour vous préparer à cette discussion.
Être entourée
Nous vous encourageons à vous entourer et à en parler avec des personnes de confiance avant de vous lancer. Leur regard et leurs conseils vous aideront à prendre du recul et à vous sentir prête à aborder le sujet. Vous pouvez trouver ces personnes de différentes manières :
- Votre gynécologue ou médecin traitant : vous pouvez poser des questions aux médecins qui s’occupent de votre suivi médical. Ils seront à même de vous aider à trouver les mots pour expliquer au mieux la situation.
- Votre psychologue : les psychologues spécialistes de l’AMP connaissent les enjeux de la vie professionnelle dans un tel parcours. Ils sauront vous aider à prendre votre décision et à visualiser votre discussion au travail.
- Un avocat : expert en droit du travail, un avocat vous éclairera sur vos droits, ainsi que sur les droits et devoirs de votre employeur. Cette connaissance est particulièrement utile en amont de votre première discussion, pour être préparée aux éventuelles questions et réactions de votre employeur.
- Les forums et groupes Facebook : ils sont une source inépuisable d’entraide. Vous y trouverez le retour d’expérience et le soutien moral de femmes qui ont vécu ou vivent ce que vous traversez.
Nos conseils pour traverser cette période au travail
- Si vous sentez que votre emploi du temps professionnel ou votre charge de travail vont être difficiles à gérer avec la PMA, parlez-en avec vos managers ou à votre Direction des Ressources Humaines au plus tôt. Donnez-leur l’opportunité de comprendre votre situation et vos attentes. En discuter dès les premières étapes du parcours permet d’anticiper et de réfléchir ensemble à des solutions. Votre employeur pourra être en mesure de construire avec vous un cadre et un planning de travail adaptés.
- Si votre travail devient une contrainte trop lourde, posez-vous les bonnes questions. Quelles sont vos priorités actuellement ? Que vous apporte votre travail dans votre équilibre de vie ? Encore une fois, parlez-en avec votre entreprise et avec des personnes de confiance, avant de prendre ces décisions importantes.
- Le travail peut également être vu comme une force dans le parcours PMA. Se concentrer sur vos missions professionnelles, rencontrer votre équipe, vous fixer et atteindre des objectifs… votre emploi permet de vous changer les idées, de vous valoriser et de renforcer votre estime de soi. Et cela fait du bien quand tout semble noir dans votre intimité.
- Partager votre expérience avec vos collègues peut vous soulager. Ils peuvent offrir une oreille bienveillante et attentive.
- N’hésitez pas à demander de l’aide à des associations, un thérapeute, des groupes de discussion.
Force à vous !