Ils sont partout autour de nous et ont des conséquences nocives sur notre santé, et notre fertilité. Qui ? Les perturbateurs endocriniens. Docteur Carole Minker est pharmacienne spécialisée dans la médecine naturelle et dans les troubles de la fertilité. Elle nous explique comment les perturbateurs endocriniens endommagent la fertilité et ce que nous pouvons faire pour nous protéger.
Bonjour Dr. Minker. Pharmacienne de formation, pourquoi vous êtes-vous spécialisée dans la fertilité ?
Je suis pharmacienne, spécialisée dans la médecine naturelle depuis 17 ans. Après ma thèse, j’ai travaillé en pharmacie d’officine pendant plus de 8 années. Dès le début de mes études, je me suis intéressée à la périnatalité.
Au niveau personnel, nous avons fait face à l’infertilité et avons été suivi à l’hôpital. Je me suis rendue compte qu’il existait de nombreux leviers actionnables pour améliorer la fertilité avec une approche naturelle. Après un diplôme universitaire dans ce domaine, j’ai lancé mon activité d’accompagnement de la fertilité à l’aide des médecines naturelles.
Au cours de vos études et formations vous vous êtes intéressée aux perturbateurs endocriniens. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?
Les perturbateurs endocriniens sont partout car notre monde est de plus en plus pollué : l’air, l’eau, l’agriculture. Ce sont des produits chimiques, venant de la production de l’homme, qui se retrouvent dans notre environnement. Parmi ces polluants environnementaux, certains ont la capacité d’interférer avec notre système endocrinien. Ils peuvent se lier à des récepteurs hormonaux comme les œstrogènes, les androgènes, les hormones thyroïdiennes.
Ils n’obéissent pas à la loi « grande dose = effet puissant », c’est-à-dire la loi de proportionnalité. De petites doses n’ont pas forcément de petits effets. D’autant plus que notre exposition à ces petites doses peut être répétée quotidiennement. Par exemple, nous utilisons tous les jours les mêmes contenants en plastique. Tous les jours, nous ingérons alors ces petites doses. Ces polluants, même en petite quantité, peuvent avoir des effets profonds sur la fertilité, le développement du fœtus, de l’adolescent et sur la santé normale des adultes.

Ces perturbateurs sont nocifs pour la santé, mais où se trouvent-ils ?
Ils sont présents dans tout ce qui nous entoure, que ce soit dans notre alimentation, dans l’air, dans les cosmétiques ou encore dans les produits ménagers.
En ce qui concerne l’alimentation ils sont notamment dans :
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- Les pesticides sur les végétaux (organochlorés et organophosphorés, le glyphosate)
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- Les produits d’origine animale
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- Les gros poissons qui mangent les petits et qui accumulent plus de polluants dans leur chair (mercure, dioxines)
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- L’eau (dans l’eau en bouteille et l’eau du robinet)
Des perturbateurs endocriniens sont également présents dans les ustensiles de cuisine que nous utilisons au quotidien.
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- Les plastiques et contenants alimentaires tels que les tupperwares contiennent des bisphénols A, S et F qui ont la même activité perturbatrice endocrinienne et qui interfèrent avec la fertilité.
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- Les biberons pour enfant en plastique où le bisphénol A est très présent
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- Les conserves, dans lesquelles se trouvent un revêtement en plastique
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- Les casseroles et poêles munies d’anti adhésifs comme les perfluorés
Ils sont également présents dans l’air intérieur que nous respirons tous les jours :
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- Les Composés Organiques Volatiles (COV) comme la cigarette, la peinture, les meubles (bois collés), colles, tissus
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- Les produits ménagers comme la javel, les dégraissants (décapants four, lave-vitres, produits pour la moquette)
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- Les parfums d’ambiance : bougies, désodorisants, assainisseurs d’air, encens
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- Les plastiques, parfums, poussières
Pour finir, des perturbateurs endocriniens se trouvent également dans les cosmétiques comme le maquillage, les parfums, les vernis à ongles, le déodorant, les produits solaires, l’hygiène dentaire, les soins pour les cheveux et pour le visage.
L’EAU ET LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS
Trouver une eau de qualité, aussi bien pour l’environnement que pour la santé, n’est pas simple.
Peut-on boire l’eau du robinet ?
L’eau du robinet n’est pas forcément à proscrire. Elle a été purifiée par des systèmes d’épuration mais parfois tous les filtres ne sont pas utilisés, il peut donc rester des pesticides ou même des résidus de médicaments. Les résidus de pilule et d’implants contraceptifs aux hormones peuvent se retrouver dans l’eau que l’on boit au quotidien, perturbant potentiellement notre système hormonal.
Pour ce qui est de l’eau en bouteille, comment choisir la bonne marque ?
Il faut tout d’abord savoir où se situe la source de l’eau et ce qui se trouve autour de celle-ci. Il est préférable de s’orienter vers des eaux prélevées en hauteur, à la montagne. Hormis la source, un autre indicateur est celui du matériau de la bouteille Au plastique, dont les particules se déposent dans l’eau, il vaut mieux privilégier le verre.
Que faire pour boire une eau de meilleure qualité ?
Une autre solution existe : le filtrage de l’eau. Il peut être effectué avec deux récipients en inox superposés, dans le fond de celui du haut on met un filtre, puis l’eau coule dans le second récipient dans lequel se trouve un robinet pour utiliser directement l’eau. Attention ! Il faut changer l’eau tous les jours pour ne pas la laisser stagner. Par exemple, le filtre à gravité Berkey est efficace.
Quelles sont les conséquences des perturbateurs endocriniens sur la fertilité ?
Les perturbateurs endocriniens ont des effets néfastes sur la fertilité de l’homme comme de la femme.
Pour l’homme, ils peuvent favoriser :
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- L’insuffisance testiculaire (oligoasthénotératospermie ou OATS), c’est-à-dire des spermatozoïdes à mobilité réduite et des spermatozoïdes malformés. (source : 1, 2)
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- Les cryptorchidies (les testicules qui ne descendent pas dans les bourses et qui restent dans l’abdomen).
Les phtalates (3), ainsi que les parabènes (4) ont été aussi retrouvés dans les causes d’infertilité chez l’homme : ces deux groupes de produits sont répertoriés comme perturbateurs endocriniens et ont été retrouvés à des concentrations significatives chez des hommes en processus d’aide de préconception.
Pour la femme, ils peuvent favoriser :
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- La survenue de fausses-couches
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- Le SOPK (syndrome des ovaires polykystiques)
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- Les insuffisances ovariennes
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- L’endométriose (qui touche près de 10% des femmes et pour la moitié d’entre elles la maladie est due à des facteurs environnementaux et particulièrement liée aux perturbateurs endocriniens, qui augmentent le risque d’anomalies épigénétiques) (5)
Pour les deux :
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- Les insuffisances hypothalamo-hypophysaires, il y a alors une altération de la production d’hormones pouvant entraîner soit une absence ou une mauvaise ovulation, soit une production défectueuse des spermatozoïdes, que ce soit dans leur qualité, leur quantité, ou bien les deux.

Les perturbateurs endocriniens ont d’importants impacts négatifs sur nos corps, comment pouvons-nous nous en protéger ?
Il y a plusieurs moyens de limiter notre exposition aux perturbateurs endocriniens.
Notamment dans notre alimentation :
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- Manger bio et privilégier la viande et les œufs élevés en plein air
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- Limiter l’ingestion de gros poissons à une fois par semaine car ils mangent des petits poissons et accumulent davantage de perturbateurs endocriniens dans leur chair
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- Être attentif à l’eau que nous consommons
Vos contenants alimentaires peuvent également être modifiés :
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- L’idéal est d’utiliser des contenants en verre ou en pyrex. En effet, le verre est un matériau stable et durable qui conservera correctement les aliments.
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- Si vous avez l’habitude d’utiliser des contenants en plastique, essayez de les utiliser uniquement pour des aliments secs comme des noix, du riz ou des pâtes.
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- Pour les restes et la conservation d’autres produits humides, il existe des bocaux peu onéreux en verre ou en pyrex.
A moindre frais, il est également possible de modifier ses habitudes en termes de produits ménagers. Par exemple :
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- Aérer son domicile deux fois par jour
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- Aspirer les poussières quotidiennement
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- Privilégier des produits nettoyants naturels comme le bicarbonate de soude, vinaigre, savon noir, ou encore la pierre d’argile.
Le dernier domaine dans lequel il est possible de changer ses habitudes et voir une nette amélioration est celui des cosmétiques. Ainsi, des labels nous aident à sélectionner les produits les plus naturels possible : Ecocert, Cosmébio, Cosmos Natural, Cosmos Organic, Nature et Progrès. Privilégiez les produits qui contiennent les plus courtes listes d’ingrédients. Idéalement, je recommande de diminuer les déodorants à l’aluminium, les vernis à ongles et les colorations capillaires chimiques.
Il est compliqué de ne plus être exposé aux perturbateurs endocriniens. Cela peut créer un sentiment de culpabilité pour les personnes en parcours PMA. Comment limiter cette culpabilité ?
Je recommande deux approches :
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- “Un éléphant se manger par petits bouts”
L’idée est de changer ses habitudes petit à petit. On modifie son quotidien peu à peu, avec des objectifs chaque semaine. Par exemple, on commence par des actions relativement simples : aérer deux fois par jour. Puis, on s’intéresse aux changements de contenants, puis à ses habitudes alimentaires. Enlever des choses est souvent plus simple. On peut ainsi enlever le paquet de chips du dîner. Progressivement, ces efforts vont porter leurs fruits et nous verrons les résultats. Ces objectifs atteints motivent pour continuer les changements.
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- Utiliser les Fleurs de Bach
Ce sont des remèdes floraux qui permettent d’équilibrer les états émotionnels et plus précisément sur les peurs, les angoisses ou la culpabilité.
L’EXPERT : DR. CAROLE MINKER
Carole Minker est docteur en pharmacie et en pharmacognosie, spécialisée en médecines naturelles. Titulaire d’un Diplôme Universitaire en stérilité, elle accompagne les couples et personnes en situation d’infertilité à travers sa structure Fertibébé Conseils.
Sources :
1 – Chiu YH et al., Fruit and vegetable intake and their pesticide residues in relation to semen quality among men from a fertility clinic, Hum Reprod. 2015 Jun; 30(6): 1342–1351.
2 – Melgarejo M, et al., Associations between urinary organophosphate pesticide metabolite levels and reproductive parameters in men from an infertility clinic, Environ Res. 2015 Feb;137:292-8. doi: 10.1016/j.envres.2015.01.004.
3 – Duty SM, et al., The relationship between environmental exposures to phthalates and DNA damage in human sperm using the neutral comet assay, Environ Health Perspect. 2003 Jul;111(9):1164-9
4 – Dodge LE, et al., Paternal Urinary Concentrations of Parabens and Other Phenols in Relation to Reproductive Outcomes among Couples from a Fertility Clinic., Environ Health Perspect. 2015 Jul;123(7):665-71
5 – Signorile P. and al, Prenatal exposure of mice to bisphenol A elicits an endometriosis-like phenotype in female offspring, General and Comparative Endocrinology, Volume 168, Issue 3, 15 September 2010, Pages 318-32